Instructrice en Autonomie

Vie de l'asso | Publié le jeudi 21 juillet 2023
Véronique MAURICE – Instructrice en Autonomie pour les personnes Déficientes Visuelles (IADV)

Eryne DEWEZ : En quoi consiste le métier d’instructeur en autonomie pour les personnes déficientes visuelles ?

Véronique MAURICE : Mon métier consiste à évaluer les compétences techniques en orientation et mobilité, le niveau d’autonomie et de sécurité de la personne déficiente visuelle à partir du projet de déplacement jusqu’à la demande de chien guide. Ma spécificité en tant qu’instructrice en autonomie dans une école de chiens guides c’est que j’interviens tout au long du parcours de l’obtention du chien guide.

1/ J’interviens, dans un premier temps, lors du pré-stage, durant lequel je vais avoir un entretien individuel avec la personne et réaliser plusieurs trajets avec elle. Je vais, lors de cette évaluation, vérifier qu’elle dispose des prérequis indispensables au déplacement autonome et en sécurité. Mes collègues éducateurs de chien et le psychologue vont également amener leur regard. À la fin de ce pré-stage, on croise nos observations professionnelles, puis on fait un retour à la personne qui est venue en pré-stage.

2/ Après ce pré-stage, la personne peut avoir besoin d’une prise en charge rééducative. Je peux alors lui proposer des séances afin de la préparer au mieux à l’arrivée du chien, une sorte de « remise à niveau ». Il faut bien comprendre qu’avoir un chien guide engendre une manière différente de se déplacer. Il faut par exemple faciliter la transition de la canne blanche de détection vers le chien, la prise de repères est différente. C’est vraiment à partir de tout ce que l’on observe, que l’on va pouvoir proposer et répondre au mieux aux besoins de la personne.

3/ Je suis également présente, si besoin, pendant la remise du chien guide, afin de réintégrer avec la personne tout ce que l’on aura vu ensemble durant les stages.

4/ Une fois que le chien est arrivé au domicile, je peux répondre à des demandes spécifiques. Comme pour le repérage de nouveaux trajets ou lorsqu’une personne déménage, comprendre de nouveaux espaces…

5/ Quand vient le temps de la retraite du chien, la personne a deux choix : soit elle envisage de faire une demande de renouvellement de chien guide, soit elle préfère reprendre ses déplacements à la canne. Dans ce cas-là, l’école propose quatre séances avec l’instructeur en autonomie afin que l’ancien maître de chien guide puisse être préparé à cette nouvelle prise de repères, aux déplacements à la canne, dans son environnement. Si les quatre séances ne sont pas suffisantes, je dirige la personne vers un autre service de rééducation afin de poursuivre le travail avec un professionnel de la locomotion. Il est important que la personne soit de nouveau à l’aise et en sécurité dans ses déplacements à la canne.

En parallèle de l’accompagnement de la personne déficiente visuelle, je mène d’autres missions :

  • Intervenir auprès d’autres structures et associations accompagnant un public déficient visuel pour informer sur le chien guide. Recevoir des personnes déficientes visuelles qui réfléchissent à ce projet afin de répondre à leurs questions et les faire marcher avec un chien.
  • Animer la sensibilisation à la déficience visuelle au sein de l’école.
  • Participer aux sensibilisations dans les entreprises.

 

ED : Comment es-tu devenue instructrice en autonomie pour les personnes déficientes visuelles ? Quel est ton parcours ?

VM : À la base, je suis éducatrice spécialisée et j’ai connu le monde de la déficience visuelle avant d’être formée. Ensuite, j’ai exercé pendant 10 ans dans ce domaine des bébés jusqu’aux adultes, en région parisienne, notamment à l’Institut National des Jeunes Aveugles (INJA), au Service d’Insertion pour les enfants Aveugles et Malvoyants (SIAM 75) et au C.R.P Paul et Liliane Guinot.

Je suis ensuite arrivée à Bordeaux. Je suis restée éducatrice spécialisée mais je me suis détachée de la déficience visuelle car il y avait moins de possibilité de structures et d’associations qu’à Paris. J’avais toujours à l’esprit de revenir dans le domaine de la déficience visuelle. Cependant je voulais évoluer vers un accompagnement plus personnalisé.

En 2014, j’ai commencé à candidater dans plusieurs structures dont l’école des chiens guides de Mérignac pour être embauchée et partir en formation d’instructeur de locomotion. Malheureusement, je n’ai pas eu de réponse positive tout de suite. J’ai renouvelé ma candidature régulièrement et persisté jusqu’en aout 2021 où l’Association des Chiens Guides Bordeaux-Aliénor m’a appelée pour me demander de rejoindre son équipe, si toutefois mon projet était toujours d’actualité ! J’ai donc commencé ma formation en novembre 2021 jusqu’en octobre 2022 avant de rejoindre l’équipe des Chiens Guides Aliénor.

ED : Quelles sont les formations pour devenir instructeur en autonomie pour les personnes déficientes visuelles ?

VM : Depuis 2020, la formation a évolué. Un nouveau titre « Instructeur pour l’Autonomie des personnes Déficientes Visuelles » a vu le jour. Il est inscrit au Répertoire National des Certifications Professionnelles.

Ce certificat regroupe désormais l’ancienne formation d’instructeur de locomotion, donc la partie orientation et mobilité et l’ancienne formation d’instructeur en autonomie dans la vie journalière. Les deux métiers présentent un nombre important d’activités et donc de compétences communes à acquérir.

La formation pour devenir IADV dure environ 10 mois. C’est une formation payante qui se déroule à la FAF de Paris. Pour accéder à cette formation, il faut d’abord avoir fait une autre formation spécifique en amont, comme une formation d’éducateur spécialisé, de psychomotricien, d’ergothérapeute. L’éducateur de chien guide peut également accéder à cette formation d’instructeur.

ED : Depuis combien de temps es-tu instructrice en autonomie pour les personnes déficientes visuelles ?

VM : J’ai été embauchée par l’école en novembre 2021, puis je suis partie en formation jusqu’en octobre 2022. Depuis octobre 2022, j’exerce sur ce poste.

ED : Comment se déroule une journée type en tant qu’instructeur en autonomie ?

VM : Il n’y a pas vraiment de journée type mais il y a plutôt une sorte de rituel. Toutes les trois ou quatre semaines environ, nous recevons les demandeurs de chiens sur deux journées.

Ces pré-stages se déroulent de la manière suivante : il y a d’abord un entretien avec la personne déficiente visuelle, puis nous effectuons deux déplacements. A la fin, nous faisons un point ensemble avec la directrice technique puis un courrier leur est adressé.

Mis à part ces pré-stages, c’est moi qui construis mon emploi du temps, avec des séances de rééducation à l’école ou au domicile de la personne, des visites à domicile et des demandes spécifiques. Pour ce faire, je me déplace dans toute la France.

ED : D’après toi, quelles sont les qualités requises pour être instructrice en autonomie pour les personnes déficientes visuelles ?

VM : Je dirai qu’il faut avoir une sensibilité par rapport au handicap visuel. Il faut être dans l’écoute, avoir une certaine capacité d’analyse et d’observation. Il est important de savoir travailler en équipe. C’est un travail collectif où chacun doit apporter ses observations et sa compréhension de la personne pour qu’à la fin, le binôme maître de chien guide/chien guide fonctionne. Être calme et patient sont également des qualités importantes.

ED : Quelles sont les perspectives d’évolution ?

VM : L’Instructeur en Autonomie des personnes Déficientes Visuelles (IADV) exerce son activité dans les établissements de santé, les établissements et services médico-sociaux (ESMS), les services sociaux, les associations. Il peut également exercer en libéral ou assurer une fonction d’expertise et de conseil en matière d’accessibilité (urbanisme, cadre bâti, aménagements intérieurs, sensibilisation de l’entourage familial ou socioprofessionnel des personnes) et d’aides techniques.

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